• LES VAMPIRES

     

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    Les vampires sont à la mode en cette fin de siècle. Ils peuplent d’'innombrables récits fantastiques. Ils sont pourtant issus d’un folklore très ancien. Comme l’'explique le Dr J. Gordon Melton, expert en la matière, « dans les plus anciennes cultures existent déjà des vampires qui s’'attaquent aux enfants. C’'était là une façon d’'appréhender la mortalité infantile. Les vampires apportaient une explication là où la nature n’'en fournissait pas. » Ainsi, les lamiai de la mythologie grecque étaient censés s’'attaquer aux bébés et aux femmes enceintes, fournissant une rationalisation prémédicale des fausses-couches et de la mortalité post-natale.

     

    Dans certaines cultures- en Russie, en Roumanie ou dans certaines parties d’'Afrique ou de Chine-, on considérait que les suicidés revenaient sur terre sous forme de vampires. Curieusement, cette dernière croyance était plutôt saine. En effet, nos ancêtres avaient appris à accueillir sereinement la mort, qui survenait souvent après une longue maladie, si bien qu’'ils avaient le temps de se préparer à la perte de l’'être cher et de surmonter leur chagrin. Le suicide, au contraire, laissait des questions sans réponses qui continuaient à hanter les vivants. D'’où cette croyance irrationnelle : les morts investis du statut de vampires, les vivants pouvaient désormais assumer le deuil. On prenait seulement des mesures pour se débarrasser du corps impur ( démembrement, crémation ) afin de détruire le mauvais esprit qui l’avait habité. Ainsi les vivants pouvaient-ils continuer à vivre en paix. La peur du vampire jouait également un rôle significatif dans les rituels funèbres. « Il y a deux ou trois cents ans, la mort restait une histoire de famille, explique J. Gordon Melton. Il y avait des rites très précis attachés à la veillée à l’enterrement ; si on ne les respectait pas, le défunt risquait de revenir sous forme de vampire. Mieux valait donc suivre les procédures correctes. Dès que le sort du défunt ne dépend plus de la famille, mais d’un tiers, d’un fonctionnaire de la société, les mythes vampiriques disparaissent, n’'ayant plus de raison d’être. Ils survivent encore partiellement en Europe de l’'Est, où ce sont toujours les familles qui s’occupent des morts. En fin de compte, partout dans le monde, ce sont les employés des pompes funèbres qui détruisent le plus efficacement le mythe du vampire, mieux que n’'importe quelle campagne anti-superstition. »

    *** Comment ce mythe est-il né ? ***

     

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     L’'expert avant quelques explication. « Lorsqu'’on enterre un corps, on sait qu’il se décomposera lentement. En Europe de l’Est ( et encore aujourd'’hui à Sumatra ), certains rites dictaient que l’'on exhume la dépouille six mois après le décès pour nettoyer ses os avant de les ré-enterrer. Ainsi prenait fin la période de deuil. Parfois, le corps ne s’'était pas décomposé aussi vite que prévu, faute d’'humidité par exemple, ou en hiver. » Même dans des conditions normales, les corps déterrés paraissent souvent en meilleur état que l’'on ne serait en droit de s’y attendre. La rigidité cadavérique n'’étant que temporelle, le corps peut même retrouver une certaine souplesse, tel un dormeur. Parfois aussi, le corps a enflé, jusqu'’à donner l'’impression d’être celui d’'un individu bien nourri. Plus impressionnant encore, il arrive que des gaz projettent  le sang amassé dans les poumons vers la bouche, faisant apparaître des taches sur les lèvres et les dents, parfois même de minces filets carmins aux commissures des lèvres. Enfin, il n'’est pas rare de trouver du sang frais sur un cadavre, car tous les sangs ne coagulent pas. De là à en tirer des conclusions hâtives…

    *** Par manque de sang… ***

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    « La porphyrie est une maladie génétique rare, due à une incapacité à produire suffisamment de sang, explique le Dr Arthur Lurvey, spécialiste des troubles du métabolisme. Dans certaines formes de cette maladie, les sujets sont très sensibles à la lumière, qui provoque des brûlures. Ils préfèrent donc l’éviter autant que possible, pour ne pas se voir couverts de plaies et de cicatrices. « Parfois, ces malades sont vraiment hideux. Des cicatrices autour de la bouche peuvent faire rentrer les lèvres et donner l’impression de dents proéminentes. Ce qui correspond parfaitement à l'’image du vampires. » Ces similitudes s'’arrêtent-elles à l'’apparence physique et à la phobie de la lumière ? « L’un des traitements de la porphyrie consiste à apporter du sang par transfusion »- non par ingestion ! D'’ailleurs, ce traitement ne suffit pas toujours. Cette méthode a été présentée lors d’une conférence de l’'american Association for the Advancement of Sciences en 1985. L'’intervenant établissait un parallèle encore plus étroit entre vampirisme et porphyrie : selon lui, les premiers malades auraient tenté de soulager leurs maux en ingérant du sang. La profession médicale s’'est vigoureusement insurgée contre cette hypothèse : boire du sang n’'aurait eu aucun effet bénéfique. Mais les médias s’'étaient déjà emparés de l'’histoire et l'’exploitaient sans scrupules. C’est pourquoi les malades atteints de porphyrie se sont retrouvés au ban de la société.

    *** L'’effet Dracula ***

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    Bien que les vampires ne jouent plus aucun rôle social, ils incarnent toujours les forces du mal et de l’'au-delà. Il est vrai que les vampires peuplent depuis longtemps le champ littéraire. Nombre d’écrivains ont tenté d'’exploiter les légendes folklorique, y cherchant une source d'’inspiration. Au tournant du XVIIIe, les vampires font leur première grande apparition dans le poème inachevé de Samuel Taylor Coleridge, Christabel. Peu après, Robert Southey publia Thalaba, un poème dans lequel il fait allusion au vampirisme, tout comme Lord Byron dans Le Giaour, en 1813. Ce mythe est cependant si nouveau dans la littérature occidentale que Byron estime nécessaire d'’ajouter une note explicative. Trois ans plus tard, en villégiature à la villa Diodati, près du lac Léman, Byron, en l’'espace d’'une nuit, bouleverse l'’historiographie du vampirisme. Par une soirée pluvieuse, le 15 juin, il suggère à ses amis un concours d'’histoires de fantômes. La gagnante est Mary Wollstonecraft Godwin, la jeune maîtresse et future épouse de Percy Bysshe Shelley. Deux ans plus tard, son oeœuvre est publiée sous le titre de Frankenstein. Byron, lui, s’est contenté d’écrire un petit texte sans grand intérêt. John Polidori, le médecin et compagnon de voyage de Byron, est lui aussi présent ce soir-là. De retour en Angleterre, il s'’approprie le texte de Byron- où est-ce l’'inverse ?- le développe et le publie sous le titre de The Vampyre. Ce court récit va susciter des centaines d'’histoires de vampires. Enfin, en 1897, naît le plus célèbre d'’entre eux, le comte Dracula, personnage créé par Bram Stoker. Si Dracula a marqué l'’histoire littéraire, c’'est pour une raison toute simple : c’'est un chef-d’œ'oeuvre. En plus d’une intrigue remarquablement construite, de personnages caractéristiques, un érotisme diffus sous-tend tout le roman. L'’intimité inévitable et les connotations sexuelles que recouvre la morsure ajoutent au personnage du vampire un attrait indéniable. De son vivant, le récit de Bram Stoker n'’a pas connu une grande popularité. En revanche, il a suscité après sa mort d'’innombrables adaptations, tant théâtrales que cinématographiques. Ce roman, aujourd’'hui centenaire, a toujours été régulièrement réédité et s'’est vendu à plusieurs millions d'’exemplaires dans le monde. Le personnage fictif de Dracula est à l'’origine de nombreux détails que l'’on associe traditionnellement aux vampires. La cape, par exemple, est l'’une de ces adjonctions modernes. « Il eût été inconcevable, dans les années 20, de représenter un vampire sur scène sans sa cape, élément d’élégance vestimentaire indispensable dans un salon bourgeois », explique le docteur Melton. Le mythe du vampire est toujours très vivace dans la littérature et le cinéma. Il s’est enrichi d’une mythologie adventice, si bien que l’on voit aujourd'’hui des vampires extraterrestres et des vampires mangeurs de graisse, comme dans « Meurtres sur Internet » ( épisode 2Shy dans la série X-Files ). Dans cet épisode, Mulder et Scully rencontrent un certain Incanto, un érudit qui séduit les femmes obèses par le biais d'’Internet afin d’'assouvir ses besoins en cellules adipeuses. Malgré ces pratiques peu conventionnelles, Incanto incarne l’'archétype du vampire : romantisme, érudit, charmant… et dangereux.

    *** Vampires modernes ***

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    Par un effet pervers, c’est à cause de la fortune littéraire et cinématographique du vampirisme que tant d'’individus se repaissent aujourd'’hui du sang des autres- réellement. Dans le monde entier, des vampires telle Kristen reproduisent trait pour trait les comportements de leurs légendaires modèles. Le Dr Melton mentionne des cas de « vampires » dans la plupart des grandes villes occidentales. « Certains individus buveurs de sang ont intégré le vampirisme dans leur mode de vie. Ils ne sortent qu’'à la tombée du jour, travaillent de nuit comme chauffeurs ou gardiens d'’immeubles. Certains pervers sexuels ont également adopté quelques éléments distinctifs du vampirismes, européen, surtout parisien ou londonien, mais il existe aussi des clubs de vampires aux Etats-Unis et au Canada. C’'est à New York que se trouve la plus grande communauté. A Los Angeles, plus de deux cents personnes pratiqueraient le vampirisme. » On peut dire que ces individus sont des vampires au sens propre : ils boivent du sang humain. En revanche, ils ne tuent pas leurs victimes. En un sens, ils sont inoffensifs ( même s'’il est préférable de ne pas avoir recours à leur service pour le baby-sitting ). En réalité, ce sont plutôt eux qui courent le plus de risques, surtout depuis l’'apparition du sida. Autre inconvénient : le sang fait grossir. Le Dr Arthur Lurvey estime qu'’un litre de sang fournit environ mille calories… C'’est une « nourriture » riche en graisse et en protéine. Après un tel festin, on en viendrait presque à désirer une visite de Incanto ! Il existe cependant une forme de vampirisme beaucoup moins inoffensive. La police américaine a rencontré des cas qui font étrangement penser à « Vampires » et « Meurtres sur Internet ». Ainsi celui de John Brennan Crutchley, ingénieur informatique pour la Harris Corporation, sous-traitant de la Nasa. En novembre 1985, une jeune fille nue et menottée est retrouvée au bord de la route, près de Malabar, en Floride. Sur le chemin de l'’hôpital- où on s'’aperçoit qu’elle a perdu plus de 40% de son sang-, elle désigne la maison de Crutchley, où elle dit avoir été emprisonnée. L'’ingénieur l’a enlevée après l’'avoir prise en auto-stop. Il l’a violée à plusieurs reprises et a bu son sang, extrait soigneusement des bras et des poignets à l’'aide de seringues. Crutchley se vante d’'être un vampire. Lors du procès, il prétend avoir été initié à ces pratiques au cours d'’un rapport sexuel consenti avec une infirmière, quinze ans auparavant. Ce jour-là, il n’'avait pas pu boire le sang, coagulé : cela l'’avait écoeuré. Le FBI estime qu'’il s'’est livré à ses expériences sexuelles « sans aucune retenue ». Quant à sa femme- car il est marié-, elle affirme qu'’il n'’est pas violent, seulement « un peu bizarre ». Les autorités, elles, ont de bonnes raisons de penser (sans grandes preuves toutefois) qu'’il est coupable d'’un certain nombre de meurtres. Crutchley a été condamné à 25 ans d’emprisonnement.

    *** Vampire es-tu là ? ***

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    Les vampires existent-ils vraiment ? Malgré le manque de preuves susceptibles de convaincre tous les sceptiques, la croyance n’'a jamais disparu. En mai 1992, l’'archipel des Philippines est en émoi : un manananggal- une version locale du vampire- hante  le district de Tondo. La nuit du 6 mai, une vieille femme du nom de Teresita voit sa maison envahie par toute une équipe de journalistes de télévision qui a appris, de source sûre, qu’elle est la seule coupable. Cesar Soriano, reporter, l’'invite à toucher la queue d’'une raie pastenague ( poisson ) séchée, geste que tout vrai vampire philippin ne saurait accomplir. La brave femme obéit et est immédiatement innocentée aux yeux de la nation. Quant au vampire, son identité demeure un mystère… En 1993, les habitants de Pisco, au Pérou, sont très perturbés par la présence d’'un vampire. Or Sarah Ellen Roberts, troisième épouse de Dracula, aurait été inhumée au petit cimetière de Pisco le 7 juin 1913. Enterrée vivante, elle aurait juré de s’'enfuir de son cercueil… quatre-vingts ans plus tard. A l’'approche de l’'anniversaire maudit, peu de portes sont dépourvues de gousses d’'ail et de crucifix, et les traditionnels attirails anti-vampires ( deux euros vingt la panoplie complète ) s’'arrachent comme des petits pains. Une grande faille apparue dans la pierre tombale vient encore alimenter la panique générale. La nuit du 7 juin, plus de mille personnes convergent vers le cimetière, dansant et chantant en brandissant des chapelets d’ail : précaution efficace, apparemment, car pas le moindre souffle d’'air ne sortira de la tombe. Les croyances persistent également en Europe.

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    A la fin des années 60, les journaux de Londres parlent d’'une horrible forme qui hante le cimetière de Highgate. N’'a-t-on pas retrouvé des animaux morts, exsangues ? Sean Manchester, président de l’'Association de recherche sur les vampires, mène l’'enquête. En mars 1970, il est autorisé à pratiquer une cérémonie dans une tombe contenant trois cercueils vides. La police se montre en revanche moins complaisante avec les chasseurs de vampires amateurs, coupables d’'avoir exhumé et décapité le corps d’'une femme enterrée dans le même cimetière… Toujours convaincu qu'’il est sur la trace du vampire, Sean mure un autre tombeau avec des briques imprégnées d’'ail, dans l’'approbation générale. Trois ans plus tard, il finit par trouver ce qu’'il croit être le corps du vampire de Highgate dans un cercueil, près d’'une maison abandonnée. Il raconte que lorsqu'’il a enfoncé un pieu dans le cadavre, celui-ci s’est immédiatement décomposé sous ses yeux, comme le montrent les photos qu’'il aurait prises.

    Vampire

     

    De nos jours, alors que loups-garous, succubes et autres fées se font rares, les vampires sont plus populaires que jamais. Les bretelles peuvent bien passer de mode, il semble que la quête de l’'immortalité- et le prix qu’'il faut payer pour l’'obtenir- est elle-même éternelle…

     

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    Source- Aux frontières du réel- le nouveau dossier par Jane Goldman- chez l’'Archipel

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    *** Sites pour votre information ***

     

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Vampire

    http://www.vampiredarknews.com/

    http://www.vampires-fr.com/

     http://www.lesboutiks.com/vampire-shop/

     http://www.vampire.com/

     http://www.vampirisme.com

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    La taverne de l'étrange- 11 août 2007

     

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